L’ASSEMBLÉE NATIONALE FAIT LOI

Le 19 juin dernier, les Français ont confié à 577 hommes et femmes la mission de représenter, pendant cinq ans, la Nation et le peuple à l’Assemblée nationale. Un monument de notre démocratie né en 1789, qui érige en devoirs absolus l’évaluation des politiques publiques, le contrôle de l’action du gouvernement et, bien sûr, le vote des lois.

 

À 577 dans l’hémicycle

L’Assemblée constituée en juin 2022 comprend 577 députés, 215 femmes et 362 hommes. L’âge moyen y est de 49 ans, contre 60 ans pour les sénateurs lors du renouvellement de la Chambre haute, en septembre 2020. Élu, à l’âge de 21 ans, 8 mois et 7 jours, dans la 1re circonscription de la Polynésie française, Tematai Le Gayic est non seulement le plus jeune député de la 16e législature de la Ve République, mais également le plus jeune de toute l’Histoire de France. Quant au doyen, il a 79 ans, se nomme José Gonzalez et est élu Rassemblement national de la 10e circonscription des Bouches-du-Rhône.

Une présidence historique

Élue par ses pairs le 28 juin 2022, Yaël Braun-Pivet, 51 ans, est la première femme à accéder à la présidence de l’Assemblée nationale. Cette avocate de formation, députée Renaissance de la 5e circonscription des Yvelines, a occupé, un mois durant, de mai à juin et son accession au Perchoir, la fonction de ministre des Outre-Mer dans le Gouvernement Borne. Chargée avant tout de veiller au bon fonctionnement interne de l’institution, la

Présidente est à la tête d’un bureau lui-même compétent pour l’organisation et le fonctionnement de l’Assemblée. Il se compose de six vice-présidents, douze secrétaires et trois questeurs, ces derniers étant chargés de la gestion administrative et financière de la Chambre des Députés.

Des groupes en grappes

Les 577 députés sont affiliés à des groupes parlementaires, composés par affinités politiques. On en compte dix, légalement constitués d’au minimum quinze membres, qui portent les noms de : Renaissance (170 membres), Rassemblement National (89), La France Insoumise – Nupes (75), Les Républicains (62), Démocrate (51), Socialistes et Apparentés – Nupes (31), Horizons et Apparentés (30), Écologiste – Nupes (23), Gauche Démocrate et Républicaine – Nupes (22), Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires (20). Quatre députés non inscrits s‘ajoutent à cette liste. Ayant fait le choix de ne pas s’affilier à un groupe, ils ne peuvent être représentés ni à la conférence des présidents, ni au bureau de l’Assemblée. Ils bénéficient toutefois de certains droits, dont l’attribution d’un temps de parole pour la discussion des textes.

 

 

UN PARCOURS À ÉTAPES

En jargon législatif, on parle de « parcours » pour qualifier les étapes par lesquelles est censée passer une loi, du projet ou proposition à la promulgation. À l’arrivée à l’Assemblée nationale, ladite loi est soumise à la commission compétente, un rapporteur étant choisi en interne pour présenter le texte de manière claire et explicite à ses pairs. « Après lecture, vient l’étape des évolutions à apporter, des ajouts, des retraits d’articles à opérer, éclaire Sacha Houlié, député de la 2e circonscription de la Vienne. Ce n’est qu’ensuite, lorsque tous ces amendements sont adoptés, que la loi est validée et présentée en séance publique. »

L’examen, dès lors, peut être rapide, mais aussi très long. De 4 heures en moyenne pour une proposition de loi, de 25 heures pour un projet, confirment les chiffres. Record absolu ? 156 heures pour la réforme des retraites en 2003. En première lecture, le ministre à l’initiative du projet et le rapporteur désigné en commission présentent le texte à l’Assemblée. Des députés issus de chaque groupe parlementaire peuvent alors à leur tour exprimer leur avis et interpeller sur le sujet le gouvernement. Qui leur répond. Viennent ensuite la présentation, par les députés qui les ont déposés, de tous les articles et amendements dont a fait l’objet la loi en commission, et leur examen par l’hémicycle. « Une fois votés, ces textes sont confiés au Sénat, poursuit l’actuel président de la commission des Lois. Si aucun changement n’est apporté, le texte, jugé « conforme », est définitivement adopté. Dans le cas contraire, il est renvoyé devant l’Assemblée pour un nouvel examen. Nous appelons ces allers-retours « la navette parlementaire ». »

C’est au gouvernement que revient le soin de convoquer une commission extraordinaire, dite commission mixte paritaire, qui sera chargée de mettre d’accord les deux assemblées. Composée de sept sénateurs et sept députés, elle a pour mission de régler les derniers litiges subsistants. À défaut de compromis, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot. Pour promulguer la loi, le Président de la République dispose de 15 jours, laps de temps pendant lequel députés et sénateurs peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Si ce dernier l’approuve, la loi est promulguée au Journal Officiel. La boucle est bouclée.

Des commissions en action

Les travaux législatifs, figure de proue de l’action des députés, sont exposés en séance publique, dans l’hémicycle, mais préalablement menés au sein de commissions. Les permanentes sont au nombre de huit et ont autant de domaines de compétences : affaires culturelles, affaires économiques, affaires étrangères, affaires sociales, défense nationale et forces armées, développement durable et aménagement du territoire, finances, lois. L’appartenance à telle ou telle commission relève du choix de chaque député. Au final, les huit se composent d’un nombre équivalent de membres, 72 ou 73. Diverses autres commissions se réunissent de manière plus périodique. C’est notamment le cas de la commission en charge de l’apurement des comptes, dont les quinze membres veillent à la bonne exécution du budget de l’Assemblée, ou encore de la commission des affaires européennes. Forte de quarante-huit membres, cette dernière a, entre autres missions, le contrôle de la politique européenne du Gouvernement.

À noter, encore, l’existence de délégations, organes d’information et de contrôle spécialisés dans des domaines transversaux, tels que les droits des enfants et des femmes, les collectivités territoriales et la décentralisation, les outre-mer ou le renseignement.

De projets en propositions

Outre le contrôle de l’action gouvernementale et l’évaluation des politiques publiques, objectifs des travaux menés par les commissions compétentes et des questions, écrites et orales, régulièrement posées par les députés aux ministres, l’Assemblée nationale a la mission suprême de débattre, d’amender et de voter les lois qui sont soumises à son examen.

On parle de « projet de loi » lorsque l’initiative parlementaire émane d’un ministre, de « proposition » lorsqu’elle est portée par un ou plusieurs députés ou sénateurs. Le nombre de propositions déposées est généralement beaucoup plus important que celui des projets. À titre d’exemple, au cours des trois premiers mois de la 16e législature, du 22 juin au 30 septembre, on a dénombré 21 projets, pour 194 propositions. La durée du parcours du projet de loi est aussi généralement plus longue que celle de la proposition. Précisons à ce titre que ledit projet est examiné par le Conseil d’État et présenté au Conseil des ministres avant d’être soumis au vote de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ceci peut en partie expliquer cela…

Notons qu’il a fallu plus de trois ans pour que soient définitivement entérinées les lois bioéthiques, seulement six jours pour qu’il en soit de même avec la loi sur la Covid-19. Déposée le 18 mars 2020, cette dernière a effectivement été promulguée au JO le 24 du même mois.